Interview – Liam Roux

Interview – Liam Roux

À 14 ans, Liam Roux a déjà un beau parcours équestre derrière lui. Performant depuis plusieurs années à poneys, il est 2ème du Grand Régional en 2023 pour sa première année à cheval. Rencontre avec un jeune cavalier à la fois motivé et les pieds sur terre. 

Tu reviens du salon de Nancy où tu as fait de belles performances. Peux-tu nous parler des chevaux / poneys avec qui tu y étais et de vos résultats ? 

 

J’avais sur place 3 poneys et une jument.  Nous remportons la P Elite samedi et l’As 2 GP dimanche avec ma ponette Tully Blue Moon.  Elle avait déjà gagné la P Elite d’Equitalyon. Elle va très bien  en ce moment. Rizotto d’Emery termine 5 eme de la P1 GP. Je montais également en piste pour la première fois Hirish du Gaucho, confiée par Gateau Stables, qui m’a impressionnée par sa bonne tête et sa franchise pour son tout premier indoor et salon. Enfin, je termine 4ème de l’amat 3 Grand Prix avec Umea Borderie samedi, c’était notre premier salon ensemble.

 

Avec quels autres chevaux / poneys vas-tu concourir cette saison, et quels sont les objectifs avec eux ? 

 

Hirish du Gaucho recherche encore son cavalier à la location et nous est confiée d’ici-là, mon objectif est donc qu’elle aille le mieux possible pour son ou sa future cavalier(e). C’est une ponette qui a très bien tourné sur les 6 ans sous la selle de Jack Coulon Gateau , vice-champion d’Europe poney.  Une autre ponette C , Fabiola of Rosscon, sera également confiée par Gateau Stables dans les semaines qui viennent. Avec Tully Blue Moon nous avons démarré les As 1 et allons prochainement effectuer nos premières As Elite. Je recherche encore actuellement un poney supplémentaire pour aborder les épreuves As 1/ As Elite, à louer ou à confier. 

 

Côté chevaux, Umea Borderie , Elfe de Feinn et Borealis de FEINN (qui sont des produits de l’élevage maison) me permettront une nouvelle participation cette année au Grand Regional (dont nous terminons 2ème par équipe et en individuel l’année dernière). Je compte également participer aux championnats Amat en parallèle des épreuves poneys. 

Depuis cet hiver, tu es ambassadeur Gateau Stables. Peux-tu nous parler de cette collaboration ? 

 

C’est une collaboration dont je suis très heureux, Jack a été sacré vice-champion d’Europe poney cet été , et Valérie Gateau qui l’a formé; est exceptionnelle aussi bien en analyse du cheval que du cavalier. Ils sont arrivés d’Irlande depuis deux ans et se sont installés en France. Ils sont spécialisés dans  le travail, la production, la location, et l’achat vente de poneys de haut niveau en France et à l’étranger. Valérie et Jack Gateau ont sélectionné des ambassadeurs dans plusieurs pays pour monter leurs poneys et représenter Gateau Stables et j’ai la chance de faire partie des ambassadeurs France depuis cet automne. 

 

J’aurai donc deux ponettes confiées par Gateau Stables cette saison. Dans un premier temps Hirish du Gaucho  et une ponette C, Fabiola off Rosscon , ponettes potentiellement à louer auprès de Gateau Stable.  Ils proposent également des stages de perfectionnement équestre en plus de la pratique de l’anglais , il est prévu que j’y aille prochainement pour travailler et peaufiner la technique sur les ponettes, tout en améliorant mon anglais ! C’est une très bonne collaboration fort instructive pour moi , j’en suis ravi et les en remercie .  

Matthew Sampson et MGH Candy Girl

Malgré ton jeune âge, tu as déjà pas mal de partenaires qui te soutiennent. C’est quelque chose d’important pour toi ? 

 

Oui très important , cela me motive encore plus pour y arriver et faire au mieux. Quand j’étais petit et qu’ un parcours m’impressionnait , penser à mes partenaires me donnait du courage quand je venais à en manquer . J’ai eu mes premiers partenaires à 9 ans, et je les représente toujours.

 

Les premiers à me faire confiance ont été West Island , Bruno Delgrange (merci Christophe !) , U-dada et Vulcy, j’avais à peine 9 ans et tournais en concours à l’époque sur mon petit entier Apy de Rêve. Je ne les remercierai jamais assez. Je suis ensuite devenu ambassadeur Horse Spirit et Starzup, en textiles cavaliers. Ils ont su développer des gammes à la fois techniques et confortables. Depuis le salon de Bordeaux je représente également Helite. Leurs airbags m’ont changé la vie en piste et à l’entraînement. Et Golden Horse en nutrition équine, qui nous aide à optimiser les apports nutritifs pour nos chevaux.

 

Côté santé, un grand merci à Marie Girard en chiropractrice et Marine Autran, ostéopathe, toutes les deux basée dans le 91. Ce sont des partenaires précieuses qui travaillent sur les douleurs ou blocages pouvant parfois survenir, c’est important, surtout quand on enchaine les concours. Enfin comme évoqué plus haut je suis également ambassadeur Gateau Stables.

 

Comment t’organises-tu pour allier l’école et les chevaux ? 

 

Ce n’est pas toujours facile, j’avoue que ma plus grande hâte est de pouvoir avoir l’âge pour commencer une formation dans l’équitation. En général j’essaye de monter au moins 2 poneys par jour les après-midi en semaine en plus du concours. Ils sont dans tous les cas lâchés en liberté tous les jours et alternent avec au moins deux longes par semaine.

En 2023 je n’ai pas été très présent d’un point de vue scolaire, je travaillais principalement en visio. Merci d’ailleurs à la personne qui s’est dévouée et qui se reconnaîtra ! Néanmoins j’ai repris les cours en présentiel depuis, je souhaite vraiment valider mon année pour pouvoir intégrer ensuite un nouveau cursus. L’année prochaine on envisage soit des cours à distance soit intégrer un bac Pro, du type de celui proposé au CEZ de Rambouillet.

Steve Guerdat - Is-Minka

Quand on te voit en concours, on se rend compte que tu prends tout ça vraiment au sérieux, tu ne montes pas juste pour t’amuser le week-end. Tu t’imagines en faire un métier ? 

 

Oui, j’aimerais vraiment devenir cavalier professionnel plus tard. J’ai néanmoins conscience que la route est longue et qu’il faut se donner à fond.

 

Est-ce qu’il y a un cavalier qui te fais rêver ? Si oui, lequel et pourquoi ? 

 

J’aime particulièrement la monte d’Olivier et Monika Guillon, que je trouve ultra légère et respectueuse de leur chevaux physiquement et psychologiquement, tout en restant très compétitive. J’apprécie également beaucoup la famille Nicolas, Jean-Marc et Caroline. Je les trouve sympathiques et ouverts à tous malgré leur expérience équestre incroyable. J’ai de plus un attachement particulier à ces deux familles puisque ma mère avait également travaillé pour eux plus jeune en tant que cavalière.

Jeremy Le Roy est quant à lui impressionnant car il est capable d’adapter sa monte à chaque cheval et toujours en douceur.

Enfin, j’admire la vitesse de Julien Epaillard, et la liberté d’esprit ainsi que la recherche de bien être de Grégory Cottard, que j’ai eu la chance de rencontrer à Equitalyon cette année. 

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette année 2024 ?

 

Continuer à évoluer dans le respect de mes poneys et chevaux et entouré de mes sponsors. Trouver peut-être une monture pour As Elite +, et/ ou pour championnats cadets. J’aimerais aborder les As Elite et quelques petits CSI à poney, et les amateur 1 à cheval, ainsi que pourquoi pas participer à une tournée comme celle de Royan.  Et bien sûr valider mon brevet pour pouvoir intégrer un lycée.

Katharina Rhomberg - Colestus Cambridge
Interview – Herica Ravel

Interview – Herica Ravel

Nous avons rencontré Herica Ravel, propriétaire de plusieurs chevaux de haut niveau montés par le cavalier belge Rik Hemeryck , au CSI4* de Rouen Equi Seine.

Votre collaboration avec Rik Hemeryck a commencé avec Ulyss Morinda. Quel est votre meilleur souvenir ?

 

Il y en a beaucoup. Peut-être la victoire en Angleterre, dans le grand prix 160, devant Laura Kraut. Le barrage a été fabuleux. Il y en a eu d’autres. Ou bien la belle victoire quand il avait sept ans dans le Master des jeunes étalons Selle Français, parce que j’ai eu beaucoup de mal à faire approuver Ulyss Selle Français. Ils l’ont refusé à trois et quatre ans, on ne sait pas vraiment pourquoi. À l’époque où il avait quatre ans, on m’a dit qu’il n’était pas assez brillant, alors que de tous ces étalons de cette génération, je crois que ça a été le meilleur de tous. Iso 163 tout de même, et plus de 110.000 Euros de gains.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’investir dans plusieurs chevaux pour Rik ?

 

Ça s’est fait progressivement car j’ai admiré le travail de formation que Rik a fait sur Ulyss avec beaucoup de patience, surtout sans brûler les étapes car Ulyss était tardif et il ne fallait pas le solliciter avant qu’il ne soit prêt. Bref, Rik et moi sommes devenus extrêmement amis au cours des années. C’est un cavalier fantastique, qui est gentil avec ses chevaux, qui ne les bouscule jamais, qui les comprend et qui s’en occupe. Rik est à six heures et demie du matin, tous les matins, aux écuries. À un moment, je me suis dit : “J’adore son équitation, il est toujours en place, très sobre avec une excellente main… Quel dommage qu’il n’ait pas de chevaux ! “ Et ça a commencé comme ça. 

 

Vous vous êtes fixé des objectifs à ce moment-là ? 

 

Pas du tout ! Et je n’ai toujours pas d’objectif à part que j’aimerais bien que, tôt ou tard, Rik décroche un grand titre, parce qu’il le mérite. Tout ce qui lui manquait, c’est comme beaucoup de cavaliers, les chevaux. Maintenant, je pense qu’il y en a deux qui vont aller très loin. 

 

Vous pouvez nous parler de ces deux chevaux ? 

 

Navarro, bien sûr, qui est un fauve, déguisé en lion (ou en tigre) mâtiné d’antilope. C’est un cheval qui sort de l’ordinaire, presque trop volontaire, avec également un côté très félin.  On l’appelle « le lion » mais je pourrais aussi le baptiser « la panthère ». C’est avant tout un GUERRIER. Jusqu’au mois de juillet, on se disait qu’il avait beaucoup de qualités, mais est-ce qu’il aurait les moyens pour vraiment sauter les très grosses épreuves ? On ne savait pas. Et lorsque nous l’avons emmené à Moerzeke, il y avait 1,60m (ce que Navarro sautait pour la première fois) et le terrain était épouvantable, très profond, glissant. Navarro, sous une pluie battante, est double sans-faute d’une façon extraordinaire, quinze centimètres au-dessus des barres et termine second de l’épreuve. Depuis, il a fait les Coupes du Monde d’Oslo, d’Helsinki, de Lyon et de Stuttgart. Il est sorti de ses parcours entre 4 et 8 pts maximum. Il n’a que dix ans, il faut lui donner encore un an pour vraiment prendre du métier. 

 

Et évidemment, le deuxième, c’est Inouï du Seigneur. Inouï a été très difficile, extrêmement brutal quand on l’a acheté. La puissance, c’était clair qu’il l’avait, c’était un phénomène, ça se voyait. Lui, on ne s’est jamais posé la question. Mais il fallait qu’il accepte Rik (et je peux vous dire que Rik tient à cheval)… Maintenant, Inouï est devenu zen et il est très bien dans sa tête.  Il a confiance en Rik. Il peut sauter n’importe quoi, a toute la couverture nécessaire mais aussi l’équilibre et le respect ! C’est rare un cheval qui peut supprimer très facilement une foulée dans une ligne mais aussi se caser dans un triple très court.

 

Je précise qu’être borgne ne le gêne pas du tout. S’il ne l’avait pas été, on n’aurait jamais pu l’acheter car beaucoup le voulaient à n’importe quel tarif mais… n’ont pas osé.

Vous achetez beaucoup de chevaux ?

 

On en achète quand on en trouve. Par contre, on ne cherche pas de trop jeunes chevaux, pas de 4 ou 5 ans. Je précise que Rik a toujours formé ses chevaux lui-même. Navarro et Inouï, il les a eu à sept ans, en début d’année. Caristello, à 6 ans. Morfine, il l’a même eu foal et Sam de Lauzelle (5 ans, 6 en 2024) est né à Wavre. 

 

Vous avez des descendants d’Ulyss ? 

 

On a des Ulyss, mais ils sont encore jeunes. Il y en a deux ou trois qui promettent beaucoup, dont Kelclasse Montdésir, une petite-fille de Sophie du château qui prend quatre ans et qui saute très fort. Il y a aussi une jument qui s’appelle Jalisca des Perriers (5 ans en 2024), qui a un très, très gros moteur, est sérieuse et respectueuse. Un 5 ans qui prend 6 aussi, Instagram Morinda… Mais à cet âge, qu’est-ce que vous voulez dire ? On ne peut pas savoir, surtout que les Ulyss sont tardifs comme lui l’a été. Ce qui est sûr, c’est qu’Ulyss transmet toujours son caractère en or et très très souvent, son magnifique style.

 

Comment va Ulyss ? 

 

Ulyss a pris sa retraite cette année, à quinze ans. Il est très heureux, il va très bien. On aurait pu continuer avec Ulyss, mais il nous avait déjà tout donné. Maintenant, il mène une vie de rêve, où il est la nuit au box, soigné comme s’il allait repartir en concours, la journée au pré…. Rik et moi sommes allés le voir ensemble il n’y a pas très longtemps. Autrement dit, Ulyss a la vie que n’importe quel cheval de haut niveau aimerait obtenir quand il quitte les terrains. 

 

Quelles sont les qualités que vous cherchez quand vous allez essayer un cheval ? 

 

En gros, Rik cherche un cheval qui a du sang, du respect, et après, des moyens, de l’amplitude et de la couverture. Ce que tout le monde cherche, ça n’a rien de sorcier. Après, c’est le sentiment du cavalier sur le cheval. Il aime ou il n’aime pas.

Certains de vos chevaux sont à vendre ? 

 

Il ne faut pas se leurrer, il faut en vendre. Rik les prépare pour qu’ils soient « clés en main » pour des cavaliers qui veulent aborder ces niveaux. Mais on choisit la maison. Ils ne vont pas dans certains endroits. Quand on en vend un, c’est toujours en plein accord, Rik et moi en discutons. Je n’agis jamais contre son idée et lui, de son côté, me demande mon avis pour pas mal de choses. C’est une collaboration, nous sommes une équipe. 

 

Le sujet du bien-être des chevaux est de plus en plus présent dans notre sport. C’est important pour vous ? 

 

C’est essentiel ! Mes chevaux n’auraient pas été chez certains cavaliers que je ne citerai pas. Il y a un respect des chevaux qui doit passer avant tout. Rik aime ses chevaux. Chez lui, les chevaux sont extrêmement heureux et très bien soignés. Ils sortent beaucoup au paddock et en promenade, on veille à leur moral, ils se sont ni forcés ni bousculés. Rik était sélectionné pour le 5 étoiles de Madrid, il a décidé (en accord avec moi) de ne pas y aller parce que ça aurait été trop pour Navarro et Morfine. Les 9 ans n’allaient tout de même pas faire le GP… Le bien-être des chevaux passe avant tout, c’est le plus important. 

Interview – Caroline Nicolas

Interview – Caroline Nicolas

Caroline Nicolas nous parle de la « famille Watch » : Watch Me de Reve Bovenhoekshof (Nabab de Reve x Chin Chin), mère d’Alias Watch (Diamant de Semilly), mère de : Golden Watch (Armitages Boy), Inti Watch (Mylord Carthago) et Never Forget Watch (By Cera d’Ick).

Jean-Maurice Bonneau – « Un livre, c’est quelque chose qui reste. »

Jean-Maurice Bonneau – « Un livre, c’est quelque chose qui reste. »

En lisant le livre de Jean-Maurice Bonneau “On y sera un jour, mon grand”, je me suis replongée dans des années de souvenirs, dans le sport et les cavaliers qui m’ont fait rêver. Il y a quelques semaines, j’ai profité d’Equita’Lyon pour lui poser quelques questions sur son livre.

Ton livre est sorti en mars 2022 et on en entend encore parler tout le temps. C’est une belle réussite !

Oui. Je pense que c’est une réussite dans le sens où il intéresse parce que ce n’est pas une biographie, c’est un récit. C’est un récit d’un peu plus de 30 ans de sports équestres et c’était le moyen d’inscrire dans le marbre des événements réussis ou perdus. Mais c’est vraiment l’histoire de notre sport. Ça intéresse. Quand je discute avec les gens qui l’ont lu et qui viennent me voir, ils disent qu’ils apprécient le fait que je les ai emmenés dans tout ce que personne ne voit, à part nous. Parce que même les journalistes n’ont pas accès à notre intimité. Les doutes, les nuits, les réflexions, les discussions, les coulisses…

Tout au long du récit, tu as été très franc. Tu n’as “protégé” personne.

Non, voilà, je n’ai pas été langue de bois. Je raconte mes angoisses, mes peurs même. Puis comment on y retourne. Ce n’est pas un livre technique, mais je raconte en détail tous les parcours de tous les championnats où on est allé. Ça, je pense que c’est une source d’inspiration. Pour le grand public qui connaît moins notre métier, c’est aussi une histoire humaine. Celle de quelqu’un, fils de paysan, qui part un peu à l’aventure sans plan de carrière et qui arrive à faire ça. Dans l’écriture j’ai essayé d’être moi-même. Jean-Louis Gouraud m’avait dit : “écrivez comme vous racontez les histoires autour d’une table”. Donc, j’ai toujours eu ça en tête en écrivant. Aujourd’hui, on en est à un peu plus de 3000 exemplaires vendus et le livre continue de se vendre parce qu’il est intemporel. De ce point de vue-là, oui, c’est une réussite dans l’édition. Chez Actes Sud, ils sont ravis parce que dans leur collection “arts équestres”, c’est celui qui, actuellement, est le plus vendu. Je pense que celui de Kamel sur Eric Lamaze va battre les records. Et c’est tant mieux parce qu’ils ont accepté d’éditer deux livres dans cette collection-là, qui enfin marche. C’est encourageant. Un livre, c’est quelque chose qui reste. Je suis vraiment content de l’avoir fait.

C’est un exercice inédit pour toi. Ça a été difficile ? Agréable ?

Ça a été agréable. Je disais que c’était mon compagnon. De plus c’était pendant la Covid, où on était bloqué. Quand je m’y suis mis, je me suis fait happer. Comme j’écrivais sur l’ordinateur, j’avais toujours un cahier de notes avec moi, dans l’avion ou dans le train. Je déblayais un peu le chapitre, puis après, je le retapais, j’appelais une ou deux personnes pour le lire. Ça a été dix mois d’écriture et en tout deux ans, avec les corrections que j’ai faites avec Sophie Pertus, qui m’a été recommandée par Jean-Louis Gouraud. Elle n’a pas essayé de réécrire le texte, nous avons fait les corrections avec harmonie. L’ensemble de l’exercice a été pour moi une expérience vraiment intéressante. Puis, il y a la phase d’après, qui est une émotion intense. Quand il est édité et que tu l’as dans les mains. C’est assez émouvant en fait. La photo de couverture, c’était un souhait de Jean-Louis Gouraud. Par contre, le titre, je ne l’avais pas. Et quand j’ai raconté ce passage là avec Jean Rochefort, dans une tribune de Dublin, ça m’a paru une évidence. Il y a pas mal de choses dans ce livre, ma famille, Jean, bien évidemment. Je pense qu’il m’a aidé à écrire ça, parce que de l’avoir côtoyé m’a aidé à élaborer ma manière de m’exprimer en l’écoutant. C’était aussi une façon de rendre hommage à Jean.

On sent qu’il y a toujours beaucoup d’émotions quand tu parles de lui. Même à cet instant, je vois que ça te touche de parler de lui.

Toujours. Chez moi, j’ai pas mal d’objets. J’ai racheté des collections de films. J’ai une boîte dans laquelle j’ai mis toutes les coupures de presse suite à son départ. Il y avait notamment une du journal du dimanche qui disait : “Vous nous manquez déjà Monsieur Rochefort”. Ce n’est pas quelqu’un qu’on oublie. Il n’est plus là physiquement, mais il est là.

Je ne sais pas si les gens de l’extérieur se rendent compte à quel point il a compté pour les gens qui l’ont croisé dans notre milieu. Même seulement quelques instants, en échangeant quelques phrases.

C’était un cadeau. Il a été un promoteur incroyable pour notre sport. Tout le monde, encore aujourd’hui, me parle des JO d’Athènes où il a été commentateur pour France télévision. On n’a jamais fait autant d’audience. C’était Jean, il aimait. Il n’était pas dans la recherche du gain. Il a fait confiance à des jeunes réalisateurs, pour des films qui n’avaient pas forcément de succès commercial. Mais lui, intellectuellement, ça lui plaisait. Il a quand même été celui qui a mis le pied à l’étrier de Guillaume (Canet) dans le milieu du cinéma. Le premier film qu’a tourné Guillaume, c’était avec Jean, c’était Barracuda. Jean, sa générosité, sa passion, ce n’était pas une façade. C’était quelqu’un d’extrêmement sincère et donc, du coup, ce livre, avec cette couverture, elle veut dire beaucoup.

Quand tu t’es replongé dans tous ces souvenirs, comme tu le dis, les réussites comme les échecs, comment as-tu vécu ça ? Ce n’est pas facile d’un coup de se replonger dans tous ces moments…

Quand j’écrivais, mon bureau, c’était un capharnaüm parce que je ressortais toutes mes notes et les vieux magazines pour retrouver les noms de tous les chevaux. J’avais aussi toutes les listes de départs de tous les championnats. Je me plongeais dedans et quelquefois, quand j’étais tout seul, d’un coup je réalisais qu’il était déjà 3h du matin et qu’il fallait que j’aille me coucher. Il m’est arrivé de pleurer devant mon ordinateur en écrivant certains passages. Il m’est arrivé de rire tout seul sur certains passages. Tout ça, c’est un mélange. Ça a remué des souvenirs enfouis et ce n’était pas toujours confortable. Mais je pense que c’était important, d’avoir tout sorti et tout assumé. Tous les passages qui sont très personnels sur les cavaliers que je mentionne : Gilles, Eric Navet bien sûr, Kevin, Eugénie A, etc, après avoir écrit le passage, je leur en faisais lecture. Je me souviens, quand je parle d’Athènes et de cette fameuse détente avec Dollar. J’appelle Eric, il est aux États-Unis, il est sur la côte ouest. Il doit être 21 h pour moi, on a fini à trois heures du matin. Quand je lui fais lecture du passage en question, au bout d’un moment, j’ai l’impression que la ligne est coupée. Il y a un silence incroyable. Je demande “ Éric, tu es toujours là ? ” Grand silence… Et là, je ne me sens pas bien. Je me dis : “Qu’est-ce que je fais ? ” Il reprend la parole et il me dit : “Momo, non, je suis là. Là, tu viens de soulever un couvercle que j’avais bien pris soin de fermer.” Là, je ne me sens vraiment pas bien. Le connaissant et sachant ce qu’on a vécu, ce qu’il a vécu, “le fameux acteur principal dans un film d’horreur”, comme il l’avait dit à la presse. Je lui propose d’enlever le passage et il me répond “Surtout pas”.

Ça se sent quand on le lit.

Le même Éric m’a remercié d’avoir écrit pour que notre histoire de Jerez reste dans le marbre. C’est une histoire d’hommes. Une histoire humaine. Ce livre, c’est un livre de sincérité, qui peut s’adresser à plein de gens. Je l’ai dédicacé à mes enfants, pour leur expliquer où j’étais et ce que je faisais quand j’étais absent. Ils ne le savaient pas forcément, surtout dans les moments difficiles, parce que je n’en parlais pas chez moi. Clara m’a dit qu’elle avait essayé de superposer où elle en était à l’époque où je vivais telle ou telle chose. Aujourd’hui, elles – Alix – Clara – Diane peuvent comprendre l’engagement que j’ai mis dans ces missions-là et je pense qu’elles en sont fières.

Dans ton livre, pour les gens comme moi qui ont connu cette époque, on retrouve la beauté de notre sport, celui qui nous faisait rêver.

Oui, j’espère. Nostalgique d’une époque qui a changé. C’était une époque d’ouverture, mais le système et le circuit ont changé. Ce que fait Julien Épaillard est très impressionnant. Mais il ne faut pas oublier qu’il a fait les juniors et les épreuves jeunes cavaliers avec des chevaux des Haras Nationaux. C’était un système gagnant – gagnant. Les jeunes cavaliers avaient des bons chevaux à monter et les Haras Nationaux des cavaliers pour valoriser leurs chevaux. À cette époque, les HN étaient les propriétaires des principaux chevaux (First de Launay, Flipper d’Elle…). Aujourd’hui la donne est différente, c’est comme ça.

À l’époque, tu as tout ouvert. Aux cavaliers, mais aussi aux passionnés. Tu as rendu le haut niveau plus humain et plus accessible.

Je n’ai jamais oublié le gosse que j’étais. J’allais au concours de La Beaujoire. À l’époque, c’était le concours équivalent de Lyon dans mon coin. Je voyais toutes les stars, j’avais quinze ou seize ans et je me disais que je ne pourrais jamais aborder ces gens-là. Quand je me suis retrouvé à travailler avec eux, à les côtoyer, à entraîner le fils de Marcel Rozier, à entraîner l’équipe du Brésil de Nelson Pessoa, c’était un truc de dingue ! Je ne pouvais pas le garder pour moi, il fallait que je le partage.

Tu avais aussi ouvert à d’autres “méthodes”.

Ma méthode reposait sur le physique, la technique et le mental. Je m’étais ouvert à d’autres sportifs comme Fabien Galtier, que j’avais fait venir et qui est aujourd’hui entraîneur de l’équipe de rugby. Il y a 20 ans, je parlais de préparation physique et préparation mentale. Ils m’ont regardé avec des yeux ronds quand je leur disais de venir avec un survêtement. Aujourd’hui les meilleurs cavaliers vont pour la plupart à la salle de fitness de leur hôtel après avoir monté leurs chevaux.

C’est génial. Je trouve que tout ça, ça nous rappelle pourquoi on aime ce sport.

Tant mieux, parce que, encore une fois, je n’ai pas fait d’exercice de style. Les gens qui me connaissent me retrouvent. Le livre reste quand même quelque chose d’assez incroyable, quand on regarde bien. Cette transmission est intemporelle.

Tu as fait beaucoup de choses. Tu es toujours aussi passionné par ce que tu fais ?

Oui, je suis toujours autant passionné. Je suis très impliqué avec la Young Riders Académie. Je travaille avec des cavaliers qui partagent ma vision du sport. J’aime être un passeur et je suis heureux de voir continuer à évoluer les cavaliers de l’équipe brésilienne qui viennent du système qu’on avait mis en place en 2011.

Le sport d’aujourd’hui te fait encore rêver ?

Pas toujours. Mais je suis admiratif de l’équitation pratiquée aujourd’hui par des cavaliers comme Julien Epaillard, Kévin Staut, les suédois… Tous ces grands champions ont une équitation formidable. C’est plus dans le fonctionnement du sport que je ne me retrouve pas. L’accès au très haut niveau n’est pas aisé quand on n’est pas dans les 30 meilleurs mondiaux et il ne faudrait pas que l’unique ticket d’entrée au haut niveau soit les tables.

On ne peut pas dire que c’est une question d’argent, vu les moyens qu’il y a aujourd’hui sur les gros concours.

Effectivement, il y a beaucoup plus de dotations qu’avant, mais en même temps la pratique du haut niveau coûte également très cher. Il y a donc une réalité économique, mais préservons l’âme et la philosophie de notre sport. L’accès sur certains circuits comme le Global Champions Tour est difficile si on ne trouve pas de financement pour y rentrer. Le seul circuit où le sélectionneur peut encore choisir qui envoyer, c’est les Coupes des Nations. Le circuit de CSIO3* est une très bonne chose. Mais le circuit super ligue regroupe beaucoup moins de concours (5) qu’avant. De l’autre côté on a un circuit avec un sponsor concurrent qui est sur les plus beaux concours (La Baule, Aix, Calgary, Rome, etc). Pour moi, les Coupes des Nations doivent rester à 4 cavaliers, mais dans le nouveau circuit 5*, en 2ème manche, ils partent seulement à 3. Ils ont même envisagé les Coupes des Nations en une seule manche. Déjà les JO à trois… Au début, je trouvais qu’il y avait des avantages sur le côté drame, mais finalement, après avoir vu Tokyo, je me dis : Non, on ne peut pas imposer ça. Ce n’est tellement pas logique d’aller dans cette direction là. Ma voix ne pèse pas lourd. Même Steve Guerdat qui a mouillé la chemise, même Kevin… On s’aperçoit que ça ne change pas grand-chose. Ça, ça m’inquiète énormément. Maintenant, je n’ai pas la solution puisque, visiblement, les décisions sont prises dans une autre direction.