Nous avons rencontré Herica Ravel, propriétaire de plusieurs chevaux de haut niveau montés par le cavalier belge Rik Hemeryck , au CSI4* de Rouen Equi Seine.

Votre collaboration avec Rik Hemeryck a commencé avec Ulyss Morinda. Quel est votre meilleur souvenir ?

 

Il y en a beaucoup. Peut-être la victoire en Angleterre, dans le grand prix 160, devant Laura Kraut. Le barrage a été fabuleux. Il y en a eu d’autres. Ou bien la belle victoire quand il avait sept ans dans le Master des jeunes étalons Selle Français, parce que j’ai eu beaucoup de mal à faire approuver Ulyss Selle Français. Ils l’ont refusé à trois et quatre ans, on ne sait pas vraiment pourquoi. À l’époque où il avait quatre ans, on m’a dit qu’il n’était pas assez brillant, alors que de tous ces étalons de cette génération, je crois que ça a été le meilleur de tous. Iso 163 tout de même, et plus de 110.000 Euros de gains.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’investir dans plusieurs chevaux pour Rik ?

 

Ça s’est fait progressivement car j’ai admiré le travail de formation que Rik a fait sur Ulyss avec beaucoup de patience, surtout sans brûler les étapes car Ulyss était tardif et il ne fallait pas le solliciter avant qu’il ne soit prêt. Bref, Rik et moi sommes devenus extrêmement amis au cours des années. C’est un cavalier fantastique, qui est gentil avec ses chevaux, qui ne les bouscule jamais, qui les comprend et qui s’en occupe. Rik est à six heures et demie du matin, tous les matins, aux écuries. À un moment, je me suis dit : “J’adore son équitation, il est toujours en place, très sobre avec une excellente main… Quel dommage qu’il n’ait pas de chevaux ! “ Et ça a commencé comme ça. 

 

Vous vous êtes fixé des objectifs à ce moment-là ? 

 

Pas du tout ! Et je n’ai toujours pas d’objectif à part que j’aimerais bien que, tôt ou tard, Rik décroche un grand titre, parce qu’il le mérite. Tout ce qui lui manquait, c’est comme beaucoup de cavaliers, les chevaux. Maintenant, je pense qu’il y en a deux qui vont aller très loin. 

 

Vous pouvez nous parler de ces deux chevaux ? 

 

Navarro, bien sûr, qui est un fauve, déguisé en lion (ou en tigre) mâtiné d’antilope. C’est un cheval qui sort de l’ordinaire, presque trop volontaire, avec également un côté très félin.  On l’appelle « le lion » mais je pourrais aussi le baptiser « la panthère ». C’est avant tout un GUERRIER. Jusqu’au mois de juillet, on se disait qu’il avait beaucoup de qualités, mais est-ce qu’il aurait les moyens pour vraiment sauter les très grosses épreuves ? On ne savait pas. Et lorsque nous l’avons emmené à Moerzeke, il y avait 1,60m (ce que Navarro sautait pour la première fois) et le terrain était épouvantable, très profond, glissant. Navarro, sous une pluie battante, est double sans-faute d’une façon extraordinaire, quinze centimètres au-dessus des barres et termine second de l’épreuve. Depuis, il a fait les Coupes du Monde d’Oslo, d’Helsinki, de Lyon et de Stuttgart. Il est sorti de ses parcours entre 4 et 8 pts maximum. Il n’a que dix ans, il faut lui donner encore un an pour vraiment prendre du métier. 

 

Et évidemment, le deuxième, c’est Inouï du Seigneur. Inouï a été très difficile, extrêmement brutal quand on l’a acheté. La puissance, c’était clair qu’il l’avait, c’était un phénomène, ça se voyait. Lui, on ne s’est jamais posé la question. Mais il fallait qu’il accepte Rik (et je peux vous dire que Rik tient à cheval)… Maintenant, Inouï est devenu zen et il est très bien dans sa tête.  Il a confiance en Rik. Il peut sauter n’importe quoi, a toute la couverture nécessaire mais aussi l’équilibre et le respect ! C’est rare un cheval qui peut supprimer très facilement une foulée dans une ligne mais aussi se caser dans un triple très court.

 

Je précise qu’être borgne ne le gêne pas du tout. S’il ne l’avait pas été, on n’aurait jamais pu l’acheter car beaucoup le voulaient à n’importe quel tarif mais… n’ont pas osé.

Vous achetez beaucoup de chevaux ?

 

On en achète quand on en trouve. Par contre, on ne cherche pas de trop jeunes chevaux, pas de 4 ou 5 ans. Je précise que Rik a toujours formé ses chevaux lui-même. Navarro et Inouï, il les a eu à sept ans, en début d’année. Caristello, à 6 ans. Morfine, il l’a même eu foal et Sam de Lauzelle (5 ans, 6 en 2024) est né à Wavre. 

 

Vous avez des descendants d’Ulyss ? 

 

On a des Ulyss, mais ils sont encore jeunes. Il y en a deux ou trois qui promettent beaucoup, dont Kelclasse Montdésir, une petite-fille de Sophie du château qui prend quatre ans et qui saute très fort. Il y a aussi une jument qui s’appelle Jalisca des Perriers (5 ans en 2024), qui a un très, très gros moteur, est sérieuse et respectueuse. Un 5 ans qui prend 6 aussi, Instagram Morinda… Mais à cet âge, qu’est-ce que vous voulez dire ? On ne peut pas savoir, surtout que les Ulyss sont tardifs comme lui l’a été. Ce qui est sûr, c’est qu’Ulyss transmet toujours son caractère en or et très très souvent, son magnifique style.

 

Comment va Ulyss ? 

 

Ulyss a pris sa retraite cette année, à quinze ans. Il est très heureux, il va très bien. On aurait pu continuer avec Ulyss, mais il nous avait déjà tout donné. Maintenant, il mène une vie de rêve, où il est la nuit au box, soigné comme s’il allait repartir en concours, la journée au pré…. Rik et moi sommes allés le voir ensemble il n’y a pas très longtemps. Autrement dit, Ulyss a la vie que n’importe quel cheval de haut niveau aimerait obtenir quand il quitte les terrains. 

 

Quelles sont les qualités que vous cherchez quand vous allez essayer un cheval ? 

 

En gros, Rik cherche un cheval qui a du sang, du respect, et après, des moyens, de l’amplitude et de la couverture. Ce que tout le monde cherche, ça n’a rien de sorcier. Après, c’est le sentiment du cavalier sur le cheval. Il aime ou il n’aime pas.

Certains de vos chevaux sont à vendre ? 

 

Il ne faut pas se leurrer, il faut en vendre. Rik les prépare pour qu’ils soient « clés en main » pour des cavaliers qui veulent aborder ces niveaux. Mais on choisit la maison. Ils ne vont pas dans certains endroits. Quand on en vend un, c’est toujours en plein accord, Rik et moi en discutons. Je n’agis jamais contre son idée et lui, de son côté, me demande mon avis pour pas mal de choses. C’est une collaboration, nous sommes une équipe. 

 

Le sujet du bien-être des chevaux est de plus en plus présent dans notre sport. C’est important pour vous ? 

 

C’est essentiel ! Mes chevaux n’auraient pas été chez certains cavaliers que je ne citerai pas. Il y a un respect des chevaux qui doit passer avant tout. Rik aime ses chevaux. Chez lui, les chevaux sont extrêmement heureux et très bien soignés. Ils sortent beaucoup au paddock et en promenade, on veille à leur moral, ils se sont ni forcés ni bousculés. Rik était sélectionné pour le 5 étoiles de Madrid, il a décidé (en accord avec moi) de ne pas y aller parce que ça aurait été trop pour Navarro et Morfine. Les 9 ans n’allaient tout de même pas faire le GP… Le bien-être des chevaux passe avant tout, c’est le plus important.