Dans ton livre, pour les gens comme moi qui ont connu cette époque, on retrouve la beauté de notre sport, celui qui nous faisait rêver.
Oui, j’espère. Nostalgique d’une époque qui a changé. C’était une époque d’ouverture, mais le système et le circuit ont changé. Ce que fait Julien Épaillard est très impressionnant. Mais il ne faut pas oublier qu’il a fait les juniors et les épreuves jeunes cavaliers avec des chevaux des Haras Nationaux. C’était un système gagnant – gagnant. Les jeunes cavaliers avaient des bons chevaux à monter et les Haras Nationaux des cavaliers pour valoriser leurs chevaux. À cette époque, les HN étaient les propriétaires des principaux chevaux (First de Launay, Flipper d’Elle…). Aujourd’hui la donne est différente, c’est comme ça.
À l’époque, tu as tout ouvert. Aux cavaliers, mais aussi aux passionnés. Tu as rendu le haut niveau plus humain et plus accessible.
Je n’ai jamais oublié le gosse que j’étais. J’allais au concours de La Beaujoire. À l’époque, c’était le concours équivalent de Lyon dans mon coin. Je voyais toutes les stars, j’avais quinze ou seize ans et je me disais que je ne pourrais jamais aborder ces gens-là. Quand je me suis retrouvé à travailler avec eux, à les côtoyer, à entraîner le fils de Marcel Rozier, à entraîner l’équipe du Brésil de Nelson Pessoa, c’était un truc de dingue ! Je ne pouvais pas le garder pour moi, il fallait que je le partage.
Tu avais aussi ouvert à d’autres “méthodes”.
Ma méthode reposait sur le physique, la technique et le mental. Je m’étais ouvert à d’autres sportifs comme Fabien Galtier, que j’avais fait venir et qui est aujourd’hui entraîneur de l’équipe de rugby. Il y a 20 ans, je parlais de préparation physique et préparation mentale. Ils m’ont regardé avec des yeux ronds quand je leur disais de venir avec un survêtement. Aujourd’hui les meilleurs cavaliers vont pour la plupart à la salle de fitness de leur hôtel après avoir monté leurs chevaux.
C’est génial. Je trouve que tout ça, ça nous rappelle pourquoi on aime ce sport.
Tant mieux, parce que, encore une fois, je n’ai pas fait d’exercice de style. Les gens qui me connaissent me retrouvent. Le livre reste quand même quelque chose d’assez incroyable, quand on regarde bien. Cette transmission est intemporelle.
Tu as fait beaucoup de choses. Tu es toujours aussi passionné par ce que tu fais ?
Oui, je suis toujours autant passionné. Je suis très impliqué avec la Young Riders Académie. Je travaille avec des cavaliers qui partagent ma vision du sport. J’aime être un passeur et je suis heureux de voir continuer à évoluer les cavaliers de l’équipe brésilienne qui viennent du système qu’on avait mis en place en 2011.
Le sport d’aujourd’hui te fait encore rêver ?
Pas toujours. Mais je suis admiratif de l’équitation pratiquée aujourd’hui par des cavaliers comme Julien Epaillard, Kévin Staut, les suédois… Tous ces grands champions ont une équitation formidable. C’est plus dans le fonctionnement du sport que je ne me retrouve pas. L’accès au très haut niveau n’est pas aisé quand on n’est pas dans les 30 meilleurs mondiaux et il ne faudrait pas que l’unique ticket d’entrée au haut niveau soit les tables.
On ne peut pas dire que c’est une question d’argent, vu les moyens qu’il y a aujourd’hui sur les gros concours.
Effectivement, il y a beaucoup plus de dotations qu’avant, mais en même temps la pratique du haut niveau coûte également très cher. Il y a donc une réalité économique, mais préservons l’âme et la philosophie de notre sport. L’accès sur certains circuits comme le Global Champions Tour est difficile si on ne trouve pas de financement pour y rentrer. Le seul circuit où le sélectionneur peut encore choisir qui envoyer, c’est les Coupes des Nations. Le circuit de CSIO3* est une très bonne chose. Mais le circuit super ligue regroupe beaucoup moins de concours (5) qu’avant. De l’autre côté on a un circuit avec un sponsor concurrent qui est sur les plus beaux concours (La Baule, Aix, Calgary, Rome, etc). Pour moi, les Coupes des Nations doivent rester à 4 cavaliers, mais dans le nouveau circuit 5*, en 2ème manche, ils partent seulement à 3. Ils ont même envisagé les Coupes des Nations en une seule manche. Déjà les JO à trois… Au début, je trouvais qu’il y avait des avantages sur le côté drame, mais finalement, après avoir vu Tokyo, je me dis : Non, on ne peut pas imposer ça. Ce n’est tellement pas logique d’aller dans cette direction là. Ma voix ne pèse pas lourd. Même Steve Guerdat qui a mouillé la chemise, même Kevin… On s’aperçoit que ça ne change pas grand-chose. Ça, ça m’inquiète énormément. Maintenant, je n’ai pas la solution puisque, visiblement, les décisions sont prises dans une autre direction.