Skye Higgin et Djordania du Tillard, en route vers les 5*. Depuis plusieurs années, je croise régulièrement sur les concours Skye Higgin et sa très démonstrative Djordania du Tillard (Air Jordan x Diamant de Semilly). Des épreuves jeunes chevaux aux CSI5*, ce couple ne cesse d’impressionner. J’ai donc eu envie d’en savoir plus sur l’histoire de Djordania, sur leur évolution et leurs objectifs.

C’est vraiment une belle histoire avec Djordania, parce que c’est toi qui a tout fait depuis le début, c’est bien ça ?

Oui. Je m’occupe d’elle depuis qu’elle a trois ans. J’ai fait son débourrage avec une autre personne de l’élevage. J’ai aussi monté sa mère, Typie*Tillard. C’est une jument que ma propriétaire, Mme Lejeune a acheté aux ventes Fences. Je pense que c’était le Top price. Christophe Grangier l’a monté à 5 et 6 ans. Elle était formidable. Ensuite elle est partie chez Angelica Augustsson qui l’a monté de 2014 à 2018, puis Marlon Zanotelli l’a monté quelques concours parce qu’Angelica était enceinte. Comme j’arrivais comme cavalière à l’élevage du Tillard à ce moment-là, la propriétaire a décidé de la récupérer ici pour que je finisse sa carrière et qu’on fasse des transferts d’embryons en même temps. On a fait des épreuves jusqu’à 1,50m ensemble. Ensuite, comme c’était compliqué de faire du sport et de l’élevage en même temps avec, qu’on avait du mal a avoir des embryons, on a décidé d’arrêter sa carrière sportive pour qu’elle ne fasse que de l’élevage. C’était tôt pour arrêter le sport, mais les produits qu’on a d’elle sont formidables. Donc c’était un bon choix. La qualité de ses produits, c’est fou.

Tu retrouves les qualités de la mère chez ses produits ?

Oui, ils sont tous très bons. Il y a Dream de Baussy (Nabab de Rêve) qui est né la même année que Djordania. Il a fait les 1,45m avec Jérôme Navet. Celui-là n’a rien à voir avec nous, l’embryon était à Thierry Navet qui était à moitié propriétaire de Typie avant de la vendre à Mme Lejeune. Il avait 2 embryons, le deuxième c’est Galliana (Cicero) qui a fait le championnat des 7 ans cette année avec Jérôme Navet et qui saute très bien. Il y a aussi Cobalt du Tillard (Nabab) avec qui j’ai sauté les 1,45m. Il a été 3ème de la finale des 7 ans au CSIYH de Vilamoura en 2019. On l’a vendu juste après ça.

Typie a beaucoup de moyens, un cœur énorme et toujours envie de bien faire. Djordania, est hyper intelligente et comprend tout. Comme sa mère, elle a beaucoup de coeur et donne tout pour faire le mieux possible. Elle a de gros moyens et du respect. Elle est toute petite, elle fait peut-être 1,62m. Elle est peut-être même plus petite… Mais elle a une grande foulée, comme sa mère. On a un lien fort toutes les deux. Elle est proche de moi et de ses grooms. C’est une jument très attachante. Avec elle tout est facile. En piste, comme à pied. On peut la tondre sans l’attacher, la monter sans selle. Je pense que c’est son caractère, mais aussi parce qu’on s’en occupe depuis le début et qu’elle complètement confiance en nous.

Dès le début, tu as su que ça serait une très bonne jument ?

Oui. J’ai une photo d’elle dans la finale des 5 ans à Fontainebleau, où elle a sauté tellement haut à l’entrée du triple, qu’elle s’est retrouvée en une foulée et demie au lieu de deux foulées dedans tellement elle avait pris de trajectoire. Elle a un équilibre un peu descendant. Ça n’a pas été facile pour elle de trouver son équilibre. Mais elle avait tellement de moyens, de respect et d’envie de bien faire, qu’il était évident que c’était un bon cheval. Par contre, j’ai vraiment pris mon temps, je n’ai pas fait beaucoup de parcours chaque année. Elle avait besoin de temps pour finir de grandir. Elle est née en août, donc tous les ans, elle est jeune pour son âge. À 5 ans, j’ai fait presque toute sa saison tandis qu’elle n’avait en réalité que 4 ans.

Aujourd’hui, à 10 ans, elle est vraiment très compétitive sur 1,50m et est même classée sur 1,55m.

Oui, sur 1,50m, elle est vraiment très compétitive. L’année dernière, ici (à Vejer de la Frontera) on est 3ème de la Coupe des Nations du CSIO3* où elle a très bien sauté en faisant sans faute et 4 pts. Cette année, elle est 9ème d’une 1,50m à Opglabbeek, puis 6ème d’une 1,45m et 6ème d’une 1,50m au CSIO5* de Rotterdam ! Avec l’ambiance de Rotterdam, elle a volé ! Elle sait quand c’est important. Elle aime qu’il y ait du public, l’ambiance des gros concours. Elle est aussi 4ème du GP 1,55m du CSIO4* de Warsaw Sluzewiec et 2ème du GP 1,50m du CSI3* de Vejer le week-end dernier.

Tu sens qu’elle va bientôt passer le cap des très gros Grand Prix ?

Oui. C’est à 100 % une jument pour faire les GP 5*. En plus des moyens et du respect, elle a le mental pour faire ça. Avec elle, je n’ai jamais senti un oxer large, et pourtant je la monte avec très peu de jambes. Ok, elle est petite, mais quand elle entre en piste, c’est un lion. Elle aime faire du concours. Quand elle voit le camion, elle hennit. Si je pars sans elle, elle est vexée et tourne dans le box pendant 15 min. Le mental, à haut niveau, ça fait la différence. En plus, si elle fait une erreur, a mal jugé quelque chose, ça n’arrive qu’une fois. La fois d’après, c’est fini. Elle comprend très vite.

Quels sont les objectifs avec elle ?

Bien sûr, on pense aux Jeux Olympiques l’année prochaine, mais c’est encore loin et on a pas encore les résultats qu’il faut. En début d’année prochaine, on va déjà aller à Abu Dhabi pour faire la première Coupe des Nations 5* et après on continuera à faire ce qu’on peut faire de mieux. Si on prend de l’expérience en début d’année sur les 5*, je pense qu’avec les qualités qu’elle a, c’est possible. Di Lampard, la chef d’équipe de notre équipe d’angleterre aime beaucoup la jument. Mais c’est loin. On va déjà faire les 5* régulièrement l’année prochaine et on verra.

Pour l’instant, elle appartient toujours à sa naisseuse, qui je suppose veut la garder pour l’élevage. Donc pour l’instant, pas d’inquiétude qu’elle soit vendue bientôt.

Oui. Bien sûr, on a des propositions, mais non, elle n’est pas à vendre. On a vendu son frère utérin Cobalt à 7 ans et d’autres chevaux, pour garder Djordania. Aujourd’hui, il nous reste 6 ou 7 chevaux au travail et quelques chevaux dans les prés. Pour l’instant, on a pas encore fait d’embryon avec Djordania pour ne pas l’embêter et se concentrer sur le sport, mais c’est au programme pour après. Pour l’instant, on profite des résultats du travail des 6 dernières années.

Là, on sent que c’est le moment où les choses peuvent vite évoluer. Tout va bien, tout est en place.

Oui. Elle commence juste à trouver vraiment son équilibre avec son corps. J’ai beaucoup pris mon temps avec elle pour ça, mais depuis quelques mois, je peux commencer à plus jouer les barrages, à tourner plus court. Elle est dans une condition physique et mentale parfaite.

Tu as prévu de faire quelques indoors cet hiver ?

Je voulais faire Lyon, mais je n’ai pas été prise. C’est le problème quand tu n’as qu’un cheval de ce niveau et donc que tu es loin au classement mondial. Quand je suis sur ces concours, mon parcours de la première épreuve ranking, je le monte pour elle, pour bien préparer mon Grand Prix, et pas en allant vite pour gagner des points au classement mondial. Je préfère penser à mon cheval, plutôt qu’à mon classement. Notre chef d’équipe est d’accord avec moi, c’est mieux pour la jument. Mais ensuite, c’est difficile d’avoir accès aux beaux concours en étant loin au classement. En indoor, j’aimerais faire Madrid et La Corogne, mais je ne sais pas encore si je serai sélectionnée. Sinon, je ferai peut-être le 4* de Rouen, c’est toujours un bon concours.

Pour finir, peut-on parler un peu de ta collaboration avec Mme Lejeune de l’élevage du Tillard ?

Oui, bien sûr ! Ça fait 8 ans que je travaille avec elle. J’ai de la chance, c’est une vraie passionnée et elle a confiance en moi. Elle ne me met aucune pression. On travaille très bien ensemble. C’est une formidable éleveuse. Elle choisit toujours très bien ses croisements. C’est assez incroyable quand même, son premier poulain, c’est Viking du Tillard, qui a fait les Jeux Olympique avec Hervé Godignon. Elle a un très bon œil pour les chevaux. Tout le monde pense que c’est un très grand élevage, mais pas du tout. Il y a deux poulains, maximum, par an. Quand on voit le nombre de chevaux qui tournent sur les gros concours, c’est que ses choix et le système de formation marche très bien.

Quand quelqu’un choisit bien les étalons, élève bien les poulains et fait confiance à un bon cavalier pour la formation et la compétition, il y a tout ce qu’il faut pour réussir à aller faire du grand sport.

C’est ça. Beaucoup de chevaux ont fait du haut niveau grâce à elle. On peut aussi citer Cabdula du Tillard ou encore Mic Mac du Tillard, dont on a des produits qui arrivent.

Pour finir, dans les jeunes chevaux en formation, est-ce que tu en as un particulièrement prometteur ?

La sœur utérine de Djordania, Hippie du Tillard, par Vigo d’Arsouilles. Elle fait son premier international ici dans les 6 ans. Elle ressemble beaucoup à sa mère. J’ai beaucoup pris mon temps avec elle, je n’ai fait que les formations 3 cette année. Elle était un peu tardive, mais elle a beaucoup de qualité et a fait de bons résultats ici. On croit beaucoup en elle pour l’avenir.