Trois ans seulement après ses premières épreuves Club 3 de dressage, Tristan Le Minoux tourne maintenant en Grand Prix Elite U25. Travailleur, les pieds sur terre et homme de cheval, il progresse vite, mais tout en prenant le temps qu’il faut. Rencontre avec un jeune dont on risque fort d’entendre parler dans les années à venir.

Il y a trois ans, tu étais encore en épreuve club et aujourd’hui tu tournes en Grand Prix Elite U25. C’est une progression très rapide ! Peux-tu nous raconter comment ça a commencé ?

Il y a trois ans, en juillet 2020, j’ai fait ma première et dernière club trois avec Uron, mon premier cheval. En novembre 2020, je commence à monter Quantum III, le cheval de mon entraîneur. Avec les histoires de Covid, au début tout était arrêté, puis j’ai commencé en amateur avec lui pour début mai 2021.

À ce moment-là, tu as déjà pour objectif d’aller faire de belles épreuves de dressage ou c’est juste un plaisir ?

Ça ne faisait même pas un an que je faisais des compétitions de dressage. On ne savait pas si j’allais réussir à accepter cette pression, réussir à m’adapter à cet environnement qui était totalement nouveau. Au début, l’idée c’était vraiment juste d’essayer et de voir si ça me plaisait vraiment. Puis au fur et à mesure, j’ai plutôt bien accroché et aimé l’environnement.

Finalement, c’est l’opportunité de monter ce cheval qui t’a fait avoir un objectif de compétition.

C’est clair que je n’aurais pas eu ce cheval à ce moment-là, ou même je n’aurais pas eu ce cheval de manière générale, je n’aurais jamais découvert ce qu’est le dressage de ce niveau là, ni tout cet environnement, tout ce monde, qui va avec.

Il y a plein de cavaliers aujourd’hui qui s’entêtent à vouloir absolument monter un jeune cheval dès le début. Toi, finalement, c’est la chance d’avoir eu un cheval expérimenté qui t’a fait avancer aussi vite.

J’ai la chance qu’à ce moment-là mon entraîneur ait besoin d’un cavalier. On a trouvé un arrangement et j’ai pu monter son cheval. Mais tout le monde n’est pas en capacité de pouvoir avoir un cheval de Grand Prix pour commencer. Généralement, les entraîneurs ne les prêtent pas à des cavaliers qui sortent de club 3. Je n’ai jamais entendu qu’un autre entraîneur l’ait fait. Effectivement, ça m’a permis d’apprendre beaucoup et de découvrir les sensations. Aujourd’hui, je pense que je monte beaucoup avec la sensation. C’est un défaut et une qualité. Mais mon entraîneur a aussi tenu à ce que je monte un jeune cheval pour voir aussi ce que ça faisait de dresser un cheval et pas seulement d’appuyer sur des boutons. Je n’ai pas beaucoup d’expérience, mais maintenant je connais un peu les deux.

On sent que ton entraîneur a une place importante dans tout ça. Peux-tu nous parler de lui ? Qu’est-ce que ça t’apporte de travailler avec lui ?

Il s’appelle Bruno Loiseau. C’est un cavalier qui comme moi a beaucoup travaillé. Dans les centres équestres, tu fais les box, en échange, on t’autorise à monter un cheval. Il a commencé comme ça parce qu’il pouvait pas, financièrement, assumer de s’acheter un cheval. Maintenant, il redonne la chance à d’autres, parce qu’il les chevaux et le niveau de pouvoir aider d’autres cavaliers, dont moi. Il nous donne notre chance en disant : Je vous prête Quantum, la seule chose que je vous demande, c’est de vous donner à fond pour essayer de progresser. Il n’a jamais mis d’objectif, il a jamais dit qu’il fallait sortir avec tel pourcentage d’une épreuve. Il veut que je monte du mieux que je sais faire et ça s’arrêtera là. C’est déjà très bien. C’est ce qu’il attend.

Il y a 2 ans, tu as récupéré un autre cheval, Salitos.

Après dix ans de carrière et 17 ans sur terre, Quantum prend sa retraite. Il m’a permis de progresser très vite et effectivement, depuis quelque temps, on savait que la retraite n’allait pas être très loin. Comme je m’étais accroché à ce milieu là, Bruno a cherché un cheval pour moi. On a fini par tomber chez Pierre Volla. Il avait Saltos, un jeune qui, à l’époque avait six ans, presque 7. L’objectif était effectivement d’acheter un jeune cheval, parce qu’on n’avait pas les finances d’acheter un qui était déjà très dressé. On était même prêts à acheter un 3 ou 4 ans, mais on a eu la chance de tomber sur Salitos. Il est très gentil, mais les essais ne se passaient pas bien avec tout le monde. Pierre n’avait jamais vu un cavalier réussir aussi facilement avec lui.

Il y avait une entente entre vous.

Oui. Tout passait bien. Pierre était content de voir son cheval comme ça. Je me suis tout de suite comporté avec Sali comme si on était copain et on peut dire qu’aujourd’hui ça fonctionne plutôt bien. J’essaye de continuer à garder cette relation.

L’image que peut dégager le dressage, c’est quelque chose de très sérieux. Mais pour toi, on sent que c’est important de garder une relation amicale avec ton cheval.

Oui. Je suis son copain. Et avant tout, mon objectif, c’est de se faire plaisir. Bien entendu, à des moments, par exemple en piste, on ne peut pas être en train de rigoler. Mais j’essaye quand même de garder au quotidien un moment de jeux, un moment de câlin. Toujours essayer d’être un peu dans un monde des bisounours, parce qu’il en a besoin. Il ne comprend pas si quelqu’un s’énerve. J’essaie vraiment de garder ce côté copain, parce que je pense que c’est comme ça qu’on peut fonctionner. Le fait d’être dur, d’être sérieux, ça ne marchera pas avec lui. D’ailleurs, qu’avec la majorité des chevaux, être dur, ça ne marche pas.

Avec ces deux chevaux, tu as atteint des épreuves professionnelles. Comment tu te sens dans ces épreuves-là aujourd’hui ?

C’est c’est compliqué. J’en parlais il n’y a pas longtemps avec ma préparatrice mental. Le problème, c’est que j’ai évolué très vite dans ce milieu et que je ne me rends pas compte que c’est un très haut niveau. En même temps, je me rends bien compte des résultats. C’est compliqué. Mais personne n’arrive à ce niveau-là du jour au lendemain, avec des très grosses moyennes, avec de très bons résultats. C’est compliqué de se dire: j’ai progressé très vite, mais en même temps, c’est pas pour autant que je dois me relâcher. Ce n’est pas une excuse. Je n’ai que 17 ans, Salitos n’en a que 8, il faut prendre le temps et ne pas vouloir tout obtenir du jour au lendemain. Ça ne marchera pas. Je ne connais pas les autres disciplines, mais dans le dressage, si on veut aller trop vite, soit en cuit les chevaux, on les use prématurément, soit on n’obtient rien parce qu’on va les braquer.

Tu parles de ta préparatrice mentale. Depuis quand travailles-tu avec quelqu’un pour ça ?

Depuis un an à peu près, je travaille avec Sophia Moreau, une préparatrice mental mais aussi cavalière de Grand Prix. On a pu voir que ça a porté ses fruits. J’ai commencé, en gros, avec le Grand Régional de Mâcon. Je me mettais beaucoup de stress et je n’avais pas le contrôle. On se rend pas compte, mais dérouler ce niveau-là, c’est très difficile, tout s’enchaîne vite, on ne se rend pas compte. Quand on le regarde comme ça, on se dit: “oui, fait un appuyé, oui, il fait une pirouette”, mais on se rend pas compte qu’au final, il n’y a que deux foulées où tu peux souffler. Il fallait réussir à visualiser les reprises, à faire baisser le stress. Aujourd’hui, quand j’entre en piste, j’ai beaucoup moins de stress et je sais ce que je dois faire.

Quand on est spectateur non spécialisé en dressage, les reprises les plus intéressantes à regarder sont souvent les reprises libres en musique. En tant que cavalier aussi ?

Quand j’entends “libre” je souris. J’ai toujours adoré ça. Je trouve que c’est un moment où on est moins dans les règles. On ne doit plus juste aller d’un point d’une telle manière. Il y a toute la partie technique, qui n’est absolument pas négliger, mais il y a aussi cette partie chorégraphie, cette partie où tu danses avec ton cheval. Ça, je le trouve moins dans les reprises imposées. Quand c’est possible, je demande à mon entraîneur de m’engager dans la libre juste par plaisir. Parce que je sais que j’adore ça et que c’est un moment où je peux continuer à travailler mes mouvements, mais en même temps, d’être plus avec le sourire, plus positif sur la piste, moins strict, moins bloqué, plus en train de danser avec mon cheval.

On arrive un peu en fin de saison. Quels sont tes objectifs pour l’année prochaine ?

L’année prochaine, on va continuer ces reprises Pro Elite Jeunes U25. On savait que cette année allait être une année de transition, parce qu’il faut un temps d’adaptation pour savoir monter ces reprises-là. L’année prochaine, je vais pouvoir commencer la saison normalement, mais je vais devoir m’arrêter un petit peu parce que j’ai le bac et que je ne veux surtout pas que ça passe à la trappe. Ça reste une priorité. Ensuite, on va continuer les U25. Continuer à travailler et progresser sur ce qu’on a vu dans les protocoles, sur les retours qu’on a des juges. On voudrait faire plusieurs stages avec différents cavaliers pour essayer d’évoluer évoluer et avoir de meilleurs résultats. L’objectif est d’arriver à grimper progressivement dans les moyennes.

Pour l’instant, es-tu en contact avec le staff de l’équipe jeune de dressage ?

J’ai fait un stage national en stage de détection il y a un an. On a eu quelques bons retours à l’époque, Salitos avait encore sept ans et il n’était pas encore aussi au point qu’aujourd’hui. On a encore évolué depuis. Ils me connaissent, mais je ne vais pas courir après après la performance, après tout ça. Pour le moment, je vais finir à l’école et ensuite, on verra. L’année prochaine, l’objectif sera forcément de commencer à se faire détecter, mais je sais que les qualifications seront en mai et juin, pour les Championnats d’Europe. Il est clair que moi, c’est pas possible, parce que ça va être la période où je vais moins tourner, puisque j’ai le bac. Mais j’ai 17 ans. L’année prochaine, j’en aurai 18. Si je suis pris pour les Europe, à 19 ans, ça me va aussi ! C’est pas on n’est pas la course, il faut se dépêcher. Je peux faire les Championnats Jeunes cavaliers jusqu’à 25 ans et je peux finir la carrière de Salitos en U25. On a le temps. S’il me faut deux ans pour aller faire les championnats d’Europe il faudra deux ans. Ce n’est pas grave. Bien sûr les Championnats d’Europe seront un objectif, mais au moment où ce sera le moment parce que nous serons prêts.